samedi 28 janvier 2012

Quitter le monde


On peut avoir envie de quitter le monde momentanément, lors d'une soirée ennuyante ou encore pour partir en voyage mais quitter le monde pour toujours, pour l'éternité, relève d'un accident de la vie, souvent au terme d'une maladie. Quitter le monde est le titre d'un livre de Douglas Kennedy, un auteur que j'affectionne beaucoup.

C'est mon amie Lise qui me l'a prêté en octobre dernier, quelque temps avant qu'elle ne se rende aux soins palliatifs. Au moment où j'ai pris le livre dans mes mains, je savais que je ne pourrais lui remettre. Et je trouvais ce titre dangereusement prémonitoire. Ce n'est pas pour rien qu'elle avait choisi de le lire. Comme pour apprivoiser l'idée du départ.

Depuis presque deux ans, après avoir fait tous les protocoles de chimiothérapie et de radiothérapie, elle a fini par être obligée de dire: Y a pu rien à faire, j'ai tout essayé. Lise étant une femme combative mais réaliste, ce constat a suscité chez elle une lucidité admirable. C'était à peine trois mois avant sa mort. À partir de ce moment- là, elle a organisé jusque dans les moindres détails ses affaires personnelles et sa cérémonie funéraire. Ce fut un moment extrêmement touchant, beau comme elle, à son image. Cette rencontre de sa famille et de tous ses amis, devant son urne, agrémentée d'un diaporama et accompagnée des musiques choisies par elle, nous a imprégné d'une tendresse, d'une affection dont nous avions tous grand besoin. Nous nous sommes sentis unis, les proches comme les moins proches, dans une atmosphère à la fois de fin de vie et de il faut continuer... Parce qu'elle a nous a laissés avec une grande leçon de sérénité!

Quand quelqu'un qu'on aime est capable de quitter ce monde sans apitoiement, avec dignité, ça nous oblige à être à la hauteur... Oui je la pleure encore mais je ne pense pas à Lise avec tristesse. Ce n'est pas ce qu'elle voudrait, elle aimait tant la vie. La moindre des choses est d'apprécier que nous, nous sommes encore là... C'est grâce à elle, à son attitude à la fois élégante et déterminée, que chaque jour me semble encore davantage qu'avant, un cadeau. Et je m'apprête à lire le plus récent livre de Douglas Kennedy, Cet instant-là, que Lise m'a donné quatre jours avant sa mort, en me disant: Prends-le, je n'aurai pas le temps de le lire.


24 commentaires:

  1. Ta dernière phrase donne le frisson. «Je n'aurai pas le temps de le lire.» Quel courage, en effet, de pouvoir penser VRAIMENT à la vie qui nous suit! Oui, tu as raison, c'est sûrement la grande leçon que nous laissent ceux qui nous quittent. En leur nom, en leur mémoire, profitons pleinement de la vie dont ils sont à jamais privés. Et pensons à eux qui, désormais, veillent sur nous... Anne-Marie.

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    1. @ Anne-Marie: merci d'avoir cassé la glace, par ce premier commentaire sur un sujet pas facile...

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  2. J'attendais ce moment, celui où tu trouverais la force et le courage d'en parler. Je sais que le départ de ton amie t'as profondémment affeté. Tu es tellement sage que tu as attendu que l'émotion ne l'emporte sur l'admiration que tu avais envers elle. Très beau témoignage mon amie!

    Lisou

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  3. @ Lisou: Ah... Tu vois, d'une Lise à l'autre, je suis choyée!
    Et toi Lisou, tu es ici, et ton mot est empreint de compassion, d'empathie et de solidarité. La vie est belle et tu en fais partie. Essayons de nous voir plus souvent. MERCI mon amie!

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  4. Quelle générosité elle a eue, votre amie Lise ! Quitter le monde, en s'assurant que tout est prêt pour le départ. Ça, c'est laisser à ceux qui restent la plus grande preuve d'amour qui soit...

    Mes sympathies, Diane... Soyez heureuse de l'avoir connue !

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  5. @ Claude: exactement! C'est ce que nous devrions tous pouvoir faire, pour justement ceux qui restent... C'est comme si elle nous tenait encore la main!

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  6. Et je pense qu'elle va te tourner les pages. Love U Paimpont

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    1. @ Paimpont: Belle image... Déjà j'ai lu Quitter le monde en essayant de me mettre à sa place. Pour Cet instant-là, je vais sûrement sentir sa présence bienveillante.

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  7. Très beau texte, Diane. Très émouvant. Oui, ça prend du courage pour faire ce que ton amie a fait. En même temps, je sais qu'il est difficile de savoir qu'on va mourir, tout en lisant le déni dans le regard des autres. On est doublement enfermé: dans sa propre finitude; et dans le silence par lequel il faut protéger ceux qui ont peur de la leur, qui préfère l'ignorer. Parler de la mort, s'y préparer, fait partie de la vie. Ton amie a complété la boucle. C'est ce qui est admirable, sa lucidité, son acceptation de l'inéluctable, la simplicité (apparente) avec laquelle elle a vécu cela. Un exemple. Merci pour ton texte. J'ai aussi frémi sur ta dernière phrase.

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    1. @ Danielle: merci pour ton appréciation, ça fait du bien!
      Tu touches un aspect important que j'ai esquivé. Nous avons tendance à vouloir démontrer tant de sollicitude, que nous forçons parfois les gens en fin de vie à rester pour nous... Il ne faut pas. Cela leur demande déjà tant d'énergie et d'acceptation qu'il faut essayer de les accompagner doucement, dans le sens de la fin. La dernière fois que j'ai vu Lise vivante, j'ai osé lui demander: es-tu tannée? Elle m'a dit oui. Je lui ai alors dit: Pars, reste pas pour nous...

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  8. Lise était grande parce qu'elle avait compris combien nous sommes petits face à l'univers. Il faut beaucoup d'humilité pour cela. Je présume que dans cette compréhension, on trouve la sérénité.

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    1. @ Claude: oui, l'humilité... on dirait que c'est une vertu qui n'est plus à la mode avec le bal des ego qui nous entoure.
      Il faut une épreuve pour nous ramener les deux pieds sur terre.
      Lise ayant passé sa vie avec les gens de cinéma, savait combien la célébrité peut être éphémère.

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  9. Chère Diane,

    Quelle coïncidence.

    Je lis ton blogue ce soir:quitter le monde et cet après-midi,
    ma soeur m'apprenait que sa belle-mère n'a plus que
    quelques mois à vivre.
    Un cancer inopérable qui a commencé son ravage:douleur,perte de poids considérable.

    Le médecin a dit aux proches cette phrase qui résonne encore à mes oreilles:
    elle a perdu du poids et elle en perdra encore et encore et encore, et lorsque vous penserez qu'elle ne peut plus en perdre, elle en perdra encore...

    C'est Félix qui disait que c'est beau la mort...

    Carole

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    1. @ Carole: ouf, le dur chemin du lâcher prise qui commence... pour elle et tous ceux qu'elle aime.
      Lise, dans sa grande sagesse a eu cette phrase: au moins je sais que je ne finirai pas mes jours dans un CHSLD!

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  10. Quelle grande âme était cette Lise. Depuis longtemps, nous le savions, mais maintenant, nous en sommes convaincus. Comme le disait Painpont, elle t'aidera à tourner les pages et elle sera avec toi, non seulement pour la lecture, mais aussi pour la vie. MC

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    1. @ Michel: merci d'avoir pris le temps de me laisser ton commentaire.
      J'aime croire que les gens que nous aimons ne nous quittent jamais...

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  11. Salut Diane,

    Je viens laisser un commentaire pour te dire merci pour tes billets qui portent à réfléchir et m’amènent dans des sentiers souvent loin de mon petit quotidien ou vécu. Peut importe le sujet, il me semble que tu trouves toujours le côté respectueux, intelligent et humaniste de l’aborder. Depuis que j’ai découvert ton blog, je n’ai cessé de me jeter littéralement sur chacun de tes nouveaux billets qui apparaissent dans mon radar.

    À chaque fois j’ai envie de te laisser un commentaire, ne serait-ce que pour te prouver qu’on te lit et t’encourager à continuer à publier…. Mais, à chaque fois aussi, j’ai bien de la misère à croire que je vais apporter quelque chose d’intelligent à raconter… C’est pourquoi je ne te laisse jamais de commentaire (ou presque). Je prends, mais ne participe pas :(((

    Par chance tu as de fidèles visiteurs qui alimentent brillamment la section commentaires (ne lâchez pas les habitués!!!).

    Je suis vraiment attristé par la perte de ton amie.

    Merci Diane de nous faire grandir à travers ton blog.

    Michel

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  12. @ Michel: ouf! que d'éloges! Je suis mal placée pour vous reprocher de ne pas laisser de commentaire plus souvent:)
    Il y a beaucoup de gens comme vous qui lisent mais n'osent pas laisser de commentaires et ça me désole. Pour moi, ce sont les commentaires qui sont intéressants... et qui font la richesse de mon blogue.
    J'écris pour être lue et le jour où je n'aurai aucun commentaire, je cesserai mon blogue.
    J'invite ici les lecteurs à aller voir votre blogue, en cliquant simplement sur Michel... Merci et à bientôt j'espère!

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  13. Allo Diane,

    "Quand quelqu'un qu'on aime est capable de quitter ce monde sans apitoiement, avec dignité, ça nous oblige à être à la hauteur"!!!!!! Tout est dit!

    Il faut une grande force d'âme pour partir ainsi. Tout comme dans nos vies ou les décisions peuvent parfois être si difficilles.

    Ton amie était une grande Dame!

    Et ton billet est mon point de repère en ce jour. Je vais te relire et te relire. Merci!

    Marie
    xxxx

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  14. @ Marie: merci beaucoup pour ces mots et vrai que Lise était une grande dame. Tu l'aurais aimée! Oui il faut aussi beaucoup de force intérieure dans nos vies, au quotidien et Lise a mené son combat comme sa vie: avec détermination et courage.

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  15. Bonjour Diane, je viens de découvrir ton blogue. Que c'est bien écrit: j'en ai les larmes aux yeux et je ne connaissais même pas ton amie... Je me demande toujours ce qu'on peut dire aux gens qui s'apprêtent à partir... Y a-t-il autre chose que des platitudes?

    Qu'en penses-tu?

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  16. Bonjour Rachel, je suis ravie d'avoir une nouvelle lectrice!
    J'ai eu à vivre le deuil de quatre de mes amis et pour ma part, je leur ai parlé à coeur ouvert, ne cachant surtout pas le fait de leur départ annoncé... Ils ont besoin d'en parler.

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  17. En décembre dernier, tu m'as envoyé un petit mot perso me recommandant ce livre. Je me le suis procuré et l'ai lu ... Je t'en remercie encore car dans ce livre, il y a aussi l'espoir.
    Une grande sagesse s'installe chez les gens qui sont sur le point de "partir" sur l'autre rive. Dans mon cas, j'ai vécu le moment où mon fils est passé de la "jeunesse" à la "sagesse" de quitter bientôt ce monde.
    La mort fait partie de la vie.
    Je termine sur cette phrase d'une chanson écrite par F. St-Gelais : On s'accroche à demain mais on n'oubliera jamais hier.
    Ann xx

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  18. Chère Ann, quand je t'ai suggéré ce livre, j'avais tout de même une petite crainte, celle de raviver ta douleur d'avoir perdu ton fils tant aimé. En même temps je pensais: elle a réussi à continuer, à surmonter cette épreuve. Que tu aies été capable de lire ce livre jusqu'à la fin et d'y sentir l'espoir me rassure et... je te lève mon chapeau!

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J'adore vous lire!