jeudi 26 février 2009

L'impact d'un livre

Un livre a -t-il déjà marqué votre vie? Il y a des livres qui dérangent et c'est tant mieux. D'autres qui sont pur divertissement. Et il y a ceux écrits pour un bon motif mais qui risquent de créer l'effet contraire chez certains lecteurs.
Ces jours-ci au Québec, un livre écrit par la chef d'antenne de TVA, Sophie Thibault et sa mère Monique Larouche-Thibault (décédée depuis), fait la une de plusieurs médias. Telle mère, quelle fille? se veut un témoignage dans lequel mère et fille se racontent à la lumière de la maladie de la mère, la sclérose en plaques. Le fait d'avoir été confrontée à une mère malade a mené à l'inversion des rôles, la fille devenant la mère. Ce qui implique des notions de responsabilité et de culpabilité. Une lourdeur. Devant la carrière de Sophie Thibault, on comprend qu'elle est devenue une résiliente. Ma question est la suivante. Pour tous les proches des gens qui sont atteints de la sclérose en plaques, le fait de lire ou d'entendre une entrevue à ce sujet, peut-il les aider ou les décourager? Plus précisément, les enfants dont le parent est victime de cette maladie dégénérative, vont-ils craindre davantage les jours à venir?
Un autre exemple du même type arrivera en librairie la semaine prochaine. On annonce un livre écrit par Varda Étienne (ex-chroniqueuse radio et télé), avouant qu'elle est bipolaire. Elle décrit comment cette maladie diagnostiquée à l'adolescence, a empoisonné sa vie professionnelle, d'épouse et de mère. Le titre me fait sursauter: Maudite Folle! Titre très vendeur... Si j'étais bipolaire, est-ce que j'aimerais entendre sur les ondes cette expression pour décrire ma maladie mentale? La majorité des gens qui publient des livres témoignages disent tous la même chose. Je l'ai écrit pour m'aider et aider les autres... Peut-être. Mais si un livre provoque un malaise ou un mal de vivre chez des gens déjà fragilisés, qui va aller à leur secours?
Au début de ma carrière de recherchiste télé, il était extrêmement difficile de trouver un psychiâtre qui acceptait de venir parler en ondes du suicide. Pourquoi? On m'expliquait qu'à chaque fois qu'il était question du sujet dans les médias, on observait une recrudescence du taux de suicide! L'effet d'entraînement... Aujourd'hui, on fait la chasse aux sujets tabous. On a peur des interdits. Mais la notion de responsabilité sociale a-t-elle suivi la courbe à la hausse?
Parfois, il est bon de se souvenir de la valeur du silence et de la pudeur.

8 commentaires:

  1. Un sujet éthique intéressant. Vaut-il mieux un titre accrocheur qui attirera l'attention(Maudite folle) et qui aura plus de chance de faire entendre la voix des victimes, ou titre plus sobre qui risque l'anonymat?
    Dur dur de trancher. Je ne souffre pas de bi-polarité, mais je me dis que si ma souffrance est exposée et mieux comprise par ceux qui m'entoure, le risque en vaut peut-être la chandelle. La maladie mentale est un univers tabou, et je m'imagine que ceux qui en souffrent, souffrent aussi de l'ignorance de leur entourage...

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  2. Le silence comme la parole n'ont que l'importance qu'on leur accorde!
    Leur poids ou leur légèreté, leur couleur ou leur monotonie, leur fraîcheur ou leur moiteur ne sont souvent que le reflet de ceux qui les expriment. Ou les taisent. Au fond, le silence et la pudeur peuvent être des masques ou des complicités... Ils peuvent protéger ou blesser selon qui les porte...Ou les reçoit... Et, je suppose, pour quelqu'un qui souffre de bipolarité, du moment où ils sont exprimés. Ou tus.

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  3. Difficile de se prononcer sur ce sujet. Les personnes qui écrivent de tels livres le font d'abord pour être lus. Peut-être que ça leur fait du bien. Ces personnes n'ont pas de pudeur contrairement à ce qu'elles peuvent dire pour se livrer de cette façon. Elles pensent que ça les délivrera d'une peine ou d'un problème au lieu de consulter un psy. Peut-être que ça peut aider quelqu'un d'autre qui se dit qu'elle n'est pas seule à vivre un problème si important. Alors tant mieux...

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  4. Et le silence et la parole peuvent s'avérer miraculeux ou pernicieux, salutaires ou préjudiciables. C'est selon.

    Quoiqu'«assez» bipolaire moi-même..., je ne jetterai pas même un oeil sur le p'tit dernier de Varda Étienne (ça ne clique pas avec elle, côté style[s]). Alors qu'avec le «confrère» Dany Laferrière... Hier encore, à Bazzo, il était époustouflant. Jamais, depuis Gaston Miron, n'aura-t-on eu un littéraire crevant à la fois aussi heureusement, génialement, hardiment, poétiquement et dynamiquement l'écran.

    Enfin, concernant Telle mère, quelle fille?, je l'ai lu. Et ce faisant, j'ai appris des choses... Telles [que] la chef d'antenne aurait bien [eu] un A/amour ; mieux, [que] les sclérosées en plaques et... leur fille pourraient bien avoir des personnalités presqu'identiques... Assez 'fort' ?

    C'est qu'en effet, en ayant connu de très près une paire mère/fille dont l'aînée (chronologique) est atteinte de la sclérose en plaques, quel ne fut pas mon étonnement de 'retrouver' ce tandem que j'ai bien connu en Thibault & Thibault: e.g. même intrépidité dynamique, même caractère de feu, même aptitude au «double message» [concomitant] chez l'une ; même type de «féminité» ['déficitaire'] chez l'autre. 'Troublant'. Ou, en tout cas, fascinant.

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  5. Le silence sur un drame vécu est parfois une arme tournée contre soi. La parole libère, c'est connu. Aider l'autre par un livre, l'autre qui se dira qu'il n'est pas seul et se reconnaîtra peut-être, c'est un but louable en soi. Se servir de sa notoriété pour dévoiler un vice, c'est manipuler un levier qui peut déculpabiliser ou faire prendre conscience d'un malaise, d'une servitude ou d'une maladie plus grave. Mais la ligne, entre l'étalement de sa vie privée et le coeur du sujet est très mince.

    mia

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  6. Chère amie,

    Tu te demandes quel impact aura le livre de Sophie Thibault Quelle mère, quelle fille, récit dans lequel elle relate sa vie avec sa mère atteinte de sclérose en plaques. Bien sûr, la maladie dans une famille, c’est comme un tsunami : elle ne touche pas seulement la personne atteinte. Tous les membres de la famille en subissent les contrecoups.

    Si l’expérience comporte sa part de chagrins et d’efforts, heureusement les défis posés par la maladie nous font explorer des voies jusque là insoupçonnées (pour moi, la peinture) et peuvent même renforcer les liens de l’amour dans une famille.

    Même si c’est un sujet dont il faut parler, le livre de Sophie Thibault provoque chez moi de l’ambivalence. Je ne crois pas qu’une maladie transforme une personne. Tout au plus elle la révèle. Ainsi dans son récit, Sophie Thibault écrit: ‘’ j’ai une mère figée dans son ego, qui ne pose plus de questions à personne, qui n’en a rien que pour son maquillage, ses bijoux et ce qu’elle mange. Plafonnée. Tu vis dans une bulle, coupée du monde mouvant et fluctuant.’’

    J’ai la sclérose en plaques, je connais beaucoup de personnes atteintes de cette maladie et on ne pourrait pas parler de nous de cette façon. Malgré les limites que cette maladie nous impose, en fauteuil roulant ou pas (la fatigue et les problèmes de concentration sont aussi très incapacitants), nous continuons à avancer dans notre vie et nous établissons avec notre entourage des rapports qui ne sont pas centrés uniquement sur notre maladie.

    Par ailleurs, on n’a pas besoin d’avoir la sclérose en plaques pour être ‘’figée dans son ego, enfermée dans sa bulle’’ … Plein de gens en bonne santé sont souvent comme ça.
    Le malaise vient peut-être de là : la dynamique dans cette famille aurait peut-être été semblable même si la maladie n'en avait pas fait partie ...

    Denise

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  7. intéressant, pertinent et 'instructif' commentaire, Denise. En auriez-vous d'autres comme 'ça' ?...

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  8. Aline et moi pensions qu'à force de taire les choses, les gens
    qui les vivent sont, à quelque part, emmurés dans leur détresse. Celles et ceux qui en souffrent se disent souvent : si l'autre apprenait que je souffre d'une maladie mentale, il me quitterait sûrement ; si à mon travail, on le savait, je serais isolé, etc.

    La maladie mentale est un grand tabou mais qui peut vraiment se vanter d'avoir une bonne santé mentale ? Pourtant une grande majorité de personnes pensent qu'il y a les fous et les autres, eux.. On a peur de la maladie mentale comme on a peur de la misère... peur de l'attraper probablement.
    Pourtant la maladie mentale est peut-être justement un signe de santé mentale ? À notre sens, il faut en parler et de façon percutante... c'est probablement le passage obligé contre l'exclusion dans la société.
    Lucie

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J'adore vous lire!