vendredi 26 avril 2013

Combien de temps reste-il?

Une question qui peut sembler banale, quotidienne. On se la pose en attente. En attente d'un événement, d'un rendez-vous, d'un gâteau qui cuit au four, d'une émission de radio ou de télévision. Cette question devient plus cruelle quand on se demande combien de temps avant de perdre son emploi, avant la retraite choisie ou imposée. Faut-il travailler jusqu'à sa mort, à en mourir? Et la même question tue quand on apprend être atteint d'une maladie incurable.

Personne ne peut prédire alors le temps qu'il reste de façon précise. Comment prendre la bonne décision, accepter ou non les traitements proposés, souvent plus douloureux que le mal lui-même. Le désir de vivre, de prolonger sa vie est parfois si fort qu'il réussit à nous faire oublier que nous sommes tous mortels. On s'accroche à l'espoir, si mince soit-il. On fait le pari de déjouer la mort. Certains ont  réussi, pour quelque temps, voire des années. Tôt ou tard, nous allons tous perdre ce combat. Nous sommes tous en sursis.

Récemment, ma mère qui vient d'avoir 83 ans, a été hospitalisée pendant un mois. Une grande épreuve. Pour elle et pour nous, mon époux adoré et moi. Souffrances, douleurs, stress et inquiétudes. Elle est maintenant de retour chez-elle, dans son appartement qu'elle adore. Un petit miracle. Pour combien de temps?

Avec tout l'amour que j'ai pour elle, j'aimerais qu'elle parte avant de devoir la déménager dans un centre de soins. Elle le souhaite également.  Elle répète: "je veux finir mes jours ici". Ma réflexion est alimentée par toutes sortes de sentiments. D'abord, elle ne guérira jamais. Son état ne peut aller qu'en se détériorant. Elle aurait une peine énorme si elle devait aller habiter ailleurs. Elle serait ainsi déstabilisée, attristée et perdue. Est-ce ainsi qu'on veut quitter la vie? Avec une qualité de vie qui rétrécit comme une peau de chagrin. Et si une fois cet autre traumatisme vécu, elle meurt peu de temps après, le jeu en valait-il la chandelle? Ne pas savoir le temps qu'il reste, dans ce contexte... est invivable, ou presque. Et, il n'y a pas de réponse!

Tout ce que je sais est que le temps nous manque.




20 commentaires:

  1. Si nous prenons l'exemple du cancer, j'ai connu quelques personnes dans mon entourage qui ont choisi les traitements et qui n'ont eu aucune récidive et sont en santé tandis que d'autres nous ont quittés. Ce que tu écris est tellement vrai! Nous ne choisissons pas le moment où nous quitterons ceux que l'on aime ou vice-versa. Être en fin de vie doit être vraiment pénible pour ceux qui le vive et aussi pour leurs proches. Je suis de tout cœur avec toi mon amie!
    Lisou

    RépondreSupprimer
  2. Grande question que vous soulevez Diane ... De tout temps, ces sujets ont nourri ma réflexion. A l'heure qu'il est et pour mon compte personnel, c'est sûr que je ne voudrais pas me délitter à petit feu, ne plus maîtriser les fonctions vitales de la vie, être nourrie à l'entonnoir et être une charge pour ceux qui m'entourent. J'ai pris des dispositions dans ce sens, mais nul ne sait quand, quoi et comment. Quoi qu'il arrive, je n'aimerais pas perdre la tête, en tout cas. C'est grâce à elle je pense qu'on peut activer la fonction de la mort délivrante et bienvenue. J'ai une théorie à ce sujet ... Vous me connaissez, j'ai toujours une théorie sur tous les sujets, on ne se refait pas. Eh bien, ma théorie, c'est que sa propre mort ne doit en aucun cas être un sujet tabou. Je ne suis pas morbide, je déborde d'optimisme et j'aime la vie, mais tous les jours je pense à ma mort pour l'apprivoiser et essayer de l'accueillir comme une amie le temps venu. Et je pense aussi que de cultiver le sentiment d'avoir vécu une bonne vie, d'avoir eu plein de bonheurs pas forcément dus et d'en être consciente, ça doit aider au moment ultime. Mais au demeurant, je ne sais pas, je ne sais rien, j'essaierai de faire au mieux avec ce qu'il adviendra. Et à toutes fins utiles, je travaille à fond les notions d'acceptation et d'humilité et croyez-moi, en ce qui me concerne, y a du boulot comme on dit ici. En attendant, je vis chaque joue pleinement, j'essaie sans toujours y réussir, à être vraiment une bonne personne et de faire au mieux tant que je suis là. C'est mon boulot de vivante ... Merci de vos billets, presque toujours appréciés et amitiés de Golovine/Renaude en Suisse.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Chère Renaude,

      que ça fait du bien de vous lire!
      Du gros bon sens... et un franc-parler comme si on conversait face à face.
      Je vous envie un peu de pouvoir penser ainsi, sans anxiété.
      C'est vrai que de garder toute sa tête est un pré requis mais encore là, nous n'en sommes pas maîtres.
      Chose certaine, de cultiver un sentiment de reconnaissance est une garantie contre le mal vieillir...
      Merci d'avoir pris le temps d'écrire ici votre commentaire, à bientôt!

      Supprimer
  3. Combien de temps? On n'a pas de temps. On n'a que le présent. L'instant qui nous file entre les doigts. À nos âges, pourtant pas si avancés, on a connu assez de tuiles et d'épreuves, on a perdu assez de proches et d'amis, pour savoir que tout peut arriver, qu'il suffit d'un instant pour qu'un malheur transforme nos vies à jamais. Par contre, en ce qui a trait à nos parents, plus âgés, mon sentiment est qu'il faut envisager le long terme, ne serait-ce que pour assurer leur protection. Oui, ils peuvent partir rapidement, nos parents qu'on aime tant, mais ils peuvent aussi vivre beaucoup plus longtemps que leur fragilité le laissait croire. Alors, quel est le meilleur encadrement? Qui assurera les meilleurs soins - et constants - s'ils en ont besoin? On ne peut pas prévoir, mais je pense qu'il faut malgré tout planifier. Même si l'exercice peut être bien triste... De tout coeur avec toi, Diane.
    Anne-Marie.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Anne-Marie,

      merci de venir partager ici ta réflexion sur un sujet pas facile.
      J'aime bien ta conception du temps présent, seul et unique, précieux et fragile.
      Je prends ton conseil du long terme, qui implique le futur, et qui me semble positif, malgré tout.
      À nouveau, je vais devoir me relever les manches... en espérant le meilleur pour elle.

      Supprimer
  4. Bonjour Lisou,

    Il faut prendre la bonne décision et on a peur de se tromper...
    Ma mère n'a pas de cancer mais j'ai plusieurs amis et amies qui en ont été victimes.
    Parfois, on aimerait savoir le temps qu'il reste à vivre pour mieux évaluer les options.
    Merci beaucoup pour ton commentaire.

    RépondreSupprimer
  5. Diane,
    Juste pour te dire que ma maman de 94 ans vient de déménager il y a il y 3 semaines au Manoir d'Outremont. Grosses angoisses et inquiétudes mais pour me faire dire hier:
    Tu sais, j'adore ça. La nourriture est bonne (elle ne mange que le soir à la salle à manger), elle adore son 3 1/2 que mes frères et moi lui avons super bien décoré. Elle adore aller jouer au scrabble, elle dit que les gens sont très gentils et intermédiaires avancés comme elle. Elle va au concert, aux dégustations de vin, mets ses appareils de surdité pcq elle veut entendre alors qu' à l'autre apt, elle était plus négligente et il n'y avait pas d'activités. Elle dort beaucoup mieux pcq elle se sent en sécurité.(sonnettes d'alarmes dans l'apt, 0 pour en bas, à la télé elle voit qui veut la voir quand on sonne chez elle. Elle a rouspété. Mais maintenant qu'elle y est, elle n'en revient pas et aurait dû y aller avant qu'elle dit. A rencontré pein de femmes de son building du Chambertin et même une de ses cousines qu'elle n'avait pas vue depuis 35 ans. Elle ne conduit plus mais commence à s'habituer. Son balcon est mignon comme tout. Et nous, nous ne sommes plus du tout inquiets.

    Michèle

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Michèle,

      Quel beau commentaire qui nous donne espoir à tous et à toutes!
      Je suis contente pour toi et ta maman qui à 94 ans, elle puisse encore apprécier les petits bonheurs de la vie.
      Et comme tu dis: nous ne sommes plus inquiets...
      J'irais bien jouer un scrabble avec elle!

      Supprimer
  6. Bonjour Diane,

    J`ai été très touchée par tes propos. Je comprends très bien ton anxiété et ton sentiment d`impuissance. Face à la maladie et à l`incertitude, on est pris d`un grand vertige.
    Tout ce que je peux te souhaiter , c`est de profiter pleinement du temps qu`il lui reste. Tu sais, ma mère aussi a toujours voulu mourir chez elle et le jour où elle a appris qu`elle quittait son logement pour aller mourir ailleurs , elle est décédée. Je me demande bien s`il s`agit d`un pur hasard ou du pouvoir insoupçonné du lâcher-prise. Qui sait..?

    Je pense à toi Diane en ces temps difficiles et je t`envoie une belle lumière bleue suivie d`une vague d`empathie...

    Lise

    RépondreSupprimer
  7. Bonsoir Lise,

    Ta maman a pris sa décision ultime, elle a réalisé son voeu le plus cher.

    J'ai hésité à écrire sur ce sujet, j'avais peur d'être impudique. Mais les commentaires reçus, dont le tien, m'aident à faire face à la réalité.
    Nous vivons tous des étapes semblables dans la vie et l'expérience des autres nous aide à apprivoiser le difficile...

    Merci d'être là, en ce moment!

    RépondreSupprimer
  8. Bonjour Diane,
    Votre billet est très émouvant et beau. C'est un grand sujet ! Je pense souvent à la mort, à ma mort (je suis pourtant encore jeune mais on ne sait pas de quoi demain sera fait) et je félicite de "ne pas avoir de problème avec". J'ai pris des disposition dans ma tête et je répète parfois à ma famille que j'aimerais ceci ou cela. Cela créé toujours un petit malaise mais je pense qu'il est beaucoup plus sain d'être serein - même si ce n'est pas facile. En attendant, j'essaie de faire du mieux que je peux, chaque jour, pour moi et les autres.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Lewerentz pour la belle appréciation.

      Oui c'est un aspect à ne pas négliger, faire savoir à nos proches nos dernières volontés et aussi prévoir signer un mandat d'inaptitude au cas où... Et aussi, réviser notre testament, au besoin. Parfois les choses changent vite!

      Supprimer
  9. Depuis quelques temps, ce sujet est très présent pour moi. Ma soeur Denise est en phase pré-terminale d'un cancer du poumon. Tout au long de sa maladie, de ses traitements, elle a été sereine, forte. Elle a signé pour ne pas avoir de soins extraordinaires. Selon son médecin, il lui reste environ 1 mois et demi à vivre. Elle vient d'être transférée dans un CHSLD. Comme elle demeure très loin, je ne peux pas être auprès d'elle souvent. Elle reçoit beaucoup d'amour de sa famille, de ses amis(es).

    Ce qui m'a surpris dernièrement c'est qu'elle dit vouloir vivre plus longtemps, tant qu'elle ne souffrira pas. Pourtant être dans une chambre à regarder la télévision et ne pouvoir rien faire d'autres doit être lassant et déprimant. Elle dit qu'elle vit encore de beaux moments. Elle m'a dit encore hier que c'est à elle de décider de sa vie. Elle est encore forte.

    Je réalise que même si nous prenons des résolutions, quand vient le moment de mourir, il se peut que nos résolutions tombent. Je pense qu'il faut le vivre pour le réaliser.

    Diane, ta maman se dit peut-être qu'elle a encore des choses à vivre. Ce qui doit être difficile à laisser c'est l'amour de nos proches.

    Combien de temps me reste-t-il? J'essaie de vivre chaque jour comme si c'était le dernier.

    Ghislaine

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Ghislaine,

      Oui tant qu'on a notre tête, c'est à soi-même de décider.
      C'est vrai aussi que tant que nous ne sommes pas devant une telle situation, on ne peut prédire exactement quelle sera notre attitude, notre réaction. On peut se surprendre...

      Je vois bien que ma maman tient encore à la vie, elle fait beaucoup d'efforts pour demeurer alerte.

      J'aime beaucoup ta façon de voir, on prend la vie et la santé trop souvent pour acquis!

      Je souhaite pour ta soeur Denise que ses derniers moments soient les plus doux possible et qu'elle conserve sa belle sérénité. Elle est un exemple inspirant...
      Et à toi: le courage nécessaire pour surmonter ta peine!

      Supprimer
  10. Le temps, c’est la vie. Savoir précisément combien de temps il nous reste, n’est-ce pas mourir déjà un peu ? Si je sais qu’il me reste un mois ou un an à vivre, sans doute puis-je prendre plus facilement les décisions qui concernent l’endroit et les conditions dans lesquelles je veux passer ce mois, cette année. Mais quelle angoisse devant le compte à rebours ! Il ne faut pas sous-estimer les difficultés que soulèverait le manque de perspectives. Droit devant, le mur implacable. Impossible d’y échapper. J’en serais consciente à tout moment et chaque joie, le moindre plaisir, se teinterait d’une nuance d’amertume, de nostalgie, de tristesse.

    À 56 ans, Pierre-Alain est parti trop vite, en pas même trois petits mois. Parfois, je me dis que c’est bien injuste. Parfois, que c’est une chance. Il n’a pas eu le temps de voir son corps échapper petit à petit à son contrôle. C’est venu d’un bloc. Irrémédiablement. La réalité n’en a été que plus dure à avaler.

    Savoir combien de temps il reste permettrait sans doute de s’organiser plus facilement. Mais est-ce bien sûr? Cette connaissance a un revers pernicieux. Savoir combien de temps il reste, surtout s’il reste peu de temps, nous baisserions peut-être les bras devant les difficultés et perdrions vraisemblablement là l’occasion de belles victoires, d’apprentissages importants. Tant qu’on ne sait pas, il reste permis d’espérer, donc de vivre vraiment.

    Quand on vieillit, on perd petit à petit des facultés (la souplesse, l’agilité, la vue, l’ouie, etc.) qui facilitent peut-être la séparation. Combien de fois n’entend-on pas ce soupir à des funérailles ? « Au moins, il/elle ne souffre plus. »

    Vieillir est déjà un deuil. Une série de petits deuils, qui préparent au grand. Tant pour la personne qui part que pour celles et ceux qui restent.

    Danielle

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Danielle,

      merci infiniment pour ce point de vue auquel je n'avais pas songé.
      C'est pourtant limpide maintenant que tu le dis, l'écris.
      "Savoir précisément combien de temps il nous reste, n’est-ce pas mourir déjà un peu ?"
      C'est bien la première fois que je vois des qualités, des avantages à l'ignorance...
      Quand le temps nous est compté, l'angoisse est bien présente et la tristesse prend trop de place. On meurt avant le temps!

      Pierre-Alain est parti trop tôt... pour nous. Mais ceux qui partent subitement ont au moins l'avantage de ne pas avoir à subir les affres de la vieillesse, de la perte de soi, petit à petit.

      Dès la naissance, on vit un deuil, celui de quitter le cocon utérin, notre première maison. Et dès lors, le temps nous est prêté mais on oublie, happé par le tourbillon de la vie. Heureusement!

      Merci encore pour ta réflexion qui amène le sujet ailleurs...

      Supprimer
  11. - Dis-moi combien de temps nous reste-t-il?
    - Très peu.
    - Comment ça très peu, par rapport à quoi ?
    - Tu as raison, j'aurais dû dire "Trop peu"
    - J'ai du mal à comprendre.
    - Alors j'explique. Tu prends un mètre de couturière, tu le pose à plat sur une table et avec un crayon tu marques ton age en centimètres et tu verras combien sur cent centimètres il te reste.
    - Ah mais ça fait froid dans le dos !
    - C'est pour cela que je t'ai demandé de le faire, pardi !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ouf... je viens de faire le test.
      Je préfère regarder le côté des mesures anglaises, en pouces, il en reste plus qu'en millimètres!

      Supprimer
  12. Chère Diane,

    Ton sujet, très grave, a suscité des commentaires profonds.

    Pour ma part, quand j'ai donné naissance à mon premier enfant, j'ai réalisé qu'en lui donnant la vie, je venais aussi de lui faire cadeau de la mort. Que faire devant cette fatalité impitoyable ?

    Cultiver l'insouciance de son enfance, se penser éternel, faire comme si, cultiver une belle insouciance, élaborer des projets ...

    C'est plus difficile en vieillissant. Mais, pour profiter de chaque instant, quoi de tel que de se rapprocher de la nature qui peut être un modèle et une source de renouvellement.

    Franchon

    RépondreSupprimer
  13. Franchon,

    l'insouciance est un beau sujet... difficile quand il est mis dans un contexte de lucidité!
    Tu m'amènes par ton commentaire à y réfléchir et je vais tenter d'écrire un prochain billet sur ce thème.
    Merci!

    RépondreSupprimer

J'adore vous lire!